Accueil
 

Les

Mensonges de Drumont

A mon beau-frère Elie Lazard, gendre de Michel Goudchaux,
Souvenir affectueux,
Joseph Aron

 

PARIS

1, rue Condorcet, 1

 

Michel Goudchaux

 

Nous regrettons qu'aucun membre de la famille Goudchaux n'ait jugé à propos de relever l'inqualifiable appréciation et les calomnies de M. Drumont sur le ministre des finances du général Cavaignac, Michel Goudchaux.

Le jour même de la publication d'un article du "Didot-Bottin de la calomnie", où, du reste, M. Drumont ne faisait que reproduire ce qu'il avait déjà dit contre Michel Goudchaux dans la France Juive, nous nous empressâmes d'écrire, à tous les membres de la famille intéressée à relever de telles diffamations, la lettre suivante:

 

Avant de vous exposer le but de ma lettre, permettez-moi de vous rappeler que, le 28 juin 1895, à la suite d'un article indigne de la Libre Parole sur les Lazard, dont l'un, M. Elie Lazard, a eu l'honneur d'épouser une des filles de M. Goudchaux, ancien ministre des Finances, j'écrivis une lettre ouverte à M. Édouard Drumont, que j'ai reproduite dans le numéro 2 de l'Or et l'Argent. Cette lettre me valut différents articles injurieux.

Depuis ce moment, le silence se fit dans la Libre Parole. Drumont occupé à défendre madame Séverine, obtenait pour elle du syndicat de la presse, présidé par M. Mézières, un certificat d'honnêteté qui place évidemment le ministériel Rochefort au rang des calomniateurs. Les paroles de Drumont reprennent donc depuis ce certificat une certaine importance et méritent qu'on s'y arrête.

Bien plus: le silence gardé au banquet de Saint-Mandé (présidé par Emmanuel Arago), le 24 février, par les prétendus amis de Michel Goudchaux, rend plus odieux encore l'article que le triste pamphlétaire de la Libre Parole publie ce matin contre l'honnête homme qui fut deux fois ministre des Finances en 1848. Dans le cas où cette ignoble attaque ne serait pas tombée sous vos yeux, en voici quelques passages:

" .....Crémieux, qui n'avait jamais été nommé membre du gouvernement provisoire, ajouta son nom à la liste en allant proclamer les noms sur la place de l'Hôtel-de-Ville et se saisit prestement du ministère de la Justice, ce qui lui permit d'empêcher toutes les poursuites contre les Juifs.

"Une fois logé, il parvint à abuser de la candeur de Lamartine et installa le Juif Goudchaux au ministère des Finances.

"Sans Goudchaux, Rothschild était perdu..... Le gouvernement n'avait qu'à empoigner ce banqueroutier et à le déposer à Mazas qui, justement, venait d'être construit.

" Le bon Goudchaux, vous le devinez, se garda bien d'agir ainsi; il considérait comme valable la théorie de Rothschild que la parole donnée au "goy" n'engage pas le Juif. Non-seulement, il admit, en secret, cet homme qui venait de manquer à ses engagements avec l'État, à une nouvelle émission de 13 millions de rente 5 pour cent à d'excellentes conditions, mais encore il poussa l'amabilité jusqu'à lui fournir les fonds nécessaires au service de l'emprunt grec.

"Ici, Capefigue tombe frappé d'admiration, et nous nous expliquons ce sentiment. Dans l'histoire, je connais peu d'épisodes plus amusants. Le peuple est tout noir de poudre, il meurt de faim sur les pavés qu'il a remué; tous les ateliers sont fermés; enfin il est vainqueur, il est émancipé, il a assuré la liberté du monde, il a réussi... à quoi? A mettre au ministère des Finances un obscur changeur juif: le Goudchaux....."

Voilà de la belle histoire, voilà de la bonne fois! Pauvre Michel Goudchaux! Lui! que Lamartine appela d'abord au ministère et que Cavaignac y rappela quelques mois après!..... Travestir à ce point le beau rôle qu'il joua par deux fois, autant contre les utopistes que contre les routiniers; lui qui, en face de Fould, fut le financier loyal et patriote!.....

Eh bien! Malgré sa fidélité jusqu'au bout à la République, malgré son attachement sincère et désintéressé au général Cavaignac, personne n'a pris et ne prendra la défense de sa mémoire! Personne, pas même le ministre de la guerre actuel.

Vraiment, messieurs, la peur de Drumont glace trop les courages. Je suis convaincu qu'aucun journal n'osera relever les injures de ce matin contre l'obscur changeur juif: le Goudchaux.

C'est donc à l'un de vous, messieurs, c'est à un des membre de la famille de ce changeur! qu'il appartient, ce me semble, d'élever la voix et de rétablir les faits tels qu'ils sont.

J'ai la triste expérience que les calomnies non réfutées portent hélas! toujours leurs fruits.....

A défaut d'un autre journal, les colonnes de l'Or et l'Argent vous sont toutes grandes ouvertes, Messieurs, dût la publication de vos légitimes indignations m'attirer encore des insultes, comme naguère on en déversa sur moi pour avoir défendu les Lazard.

Je me tiens à votre disposition, messieurs...

 

Quelques jours après, le représentant le plus autorisé de la famille de Michel Goudchaux, M. Georges Goudchaux, fils de l'ancien ministre, nous écrivit qu'il ne pouvait répondre que par le mépris aux publications de M. Drumont.

Cette théorie du mépris me paraissait absolument dangereuse pour les calomniés, j'adressai à M. G. Goudchaux le nouvel appel suivant:

Paris, le 4 mars 1896.

Monsieur,

Je regrette que vous ne paraissiez pas avoir compris la portée de ma lettre du 25 février. Je respecte, croyez-le bien, le sentiment qui vous fait dédaigner le attaques contre la mémoire de votre honoré père, puisque vous affirmez que telle était sa volonté suprême; - Peut-être n'avait-il pas prévu de nouvelles guerres religieuses en France?

Quant à croire que le silence gardé par vous et par les autres membres ou alliés de la famille laissera la mémoire de votre père au-dessus de toute suspicion, c'est peut-être une erreur. Vous et quelques autres savez bien qu'il fut toujours entouré de son vivant du profond respect de ses contemporains, même de ceux qui étaient ses ennemis politiques; mais les générations se remplacent.....

La preuve que Drumont n'est pas une quantité négligeable, comme vous semblez le croire, c'est que grâce à ses attaques, votre cousin M. Goudchaux, qui s'était porté candidat au Sénat en Seine-et-Oise en se recommandant auprès des électeurs du nom et de la mémoire de votre regretté père, échoua piteusement.

Du reste, cher Monsieur, j'ai cru accomplir un devoir en écrivant la même lettre qu'à vous aux principaux membres de la famille Goudchaux. Aucun n'y a répondu excepté vous.

Aujourd'hui, riches, vos parents, qui n'ont certainement pas, eux, reçu comme vous les instructions de votre respecté père, pensent sans doute, comme pense Drumont du reste, que leur fortune les mettra en mesure, le jour venu, de se garer d'un mouvement anti-sémite, quelque violent qu'il puisse être; et que les juifs pauvres seuls souffriront; écoutez le Drumont, comme vous l'appelez; entendez ce qu'il dit dans son article contre votre père: "Les grands juifs qui tiennent tous les fils, sont certains dans tous les cas d'être prévenus à temps, de pouvoir prendre leurs précautions, changer leur orientation, chercher une diversion et un point d'appui."

Tant pis, cher monsieur Goudchaux, si la lâcheté morale qui règne un peu partout aujourd'hui permet à un Drumont, pour les besoins de sa cause, de falsifier l'Histoire, sans qu'une seule voix indignée ose se faire entendre, et ce par peur d'être pris personnellement à partie par cet homme..... le Didot-Bottin de la calomnie.

Mais laissons les parents de l'honnête ministre de 1848 à leur égoïste repos; l'exemple, d'ailleurs, leur vient d'en haut; le sévère piétiste qui dirige les armées de France, l'austère Quaker fils de l'ami intime de Goudchaux, n'aurait-il pas dû élever la voix pour défendre contre Drumont le ministre du général Cavaignac? Il ne l'a pas fait! Eh bien! soit; plus d'héritage moral dans les familles, plus de souvenir dans les amitiés! chacun pour soi!.....

Mais cela ne m'empêchera pas, moi qui me rappelle combien mon père honorait le vôtre, de protester et de faire ce qu'aurait dû faire la famille de Michel Goudchaux.

Recevez, cher Monsieur, etc.

 

Aujourd'hui, que M. Drumont est dégagé des soucis et des sollicitudes que lui a, pendant deux mois, causés l'affaire correctionnelle "Max Lebaudy", il me semble qu'il peut prendre le temps d'examiner plus attentivement le rôle rempli par Goudchaux en 1848 et de reconnaître loyalement l'erreur qu'il a commise en diffamant ce journaliste honnête, ce bon citoyen, cet homme d'État de clairvoyance et de talent.

Toutes les Encyclopédies sont d'accord là-dessus et résument, toutes, les même faits et le même jugement que nous reproduisons du Larousse:

 

EXTRAITS DE PIERRE LAROUSSE

Goudchaux (Michel), banquier et ancien ministre français, né en 1797, mort en 1862. Il était issu d'une famille israélite de l'Alsace. Son père avait acquis une fortune considérable à Paris, où il comptait parmi les principaux banquiers. A sa mort, son fils, encore très jeune, se trouva à la tête de la maison de banque, et la dirigea avec une intelligence qui en accrut la prospérité. Les conspirations, les procès de presse, les manifestations de toutes sortes occupaient alors exclusivement l'opinion publique. Sans être personnellement engagé dans aucune de ces aventures, le jeune financier passait pour un des partisans les plus actifs de l'opposition. Après la révolution de juillet, Goudchaux fut élu membre du Conseil Général de la Seine. En 1832, il devint payeur de la guerre à Strasbourg. Mais, s'apercevant bientôt que la nouvelle royauté ressemblait beaucoup trop à celle qu'elle avait remplacée, il rentra ouvertement dans l'opposition, et le ministre des finances, en 1834, révoqua son subordonné.

Goudchaux entra bientôt au National, lui fournit des fonds et y traita les questions financières. Il combattit surtout avec ardeur la législation sur les chemins de fer dont il voulait réserver à l'État la propriété et l'exploitation immédiate. Il publia, en outre, divers écrits: Lettres à M. Humann sur la conversion de la rente. De la prorogation du privilège de la banque. Il fut au nombre de ceux qui préparèrent le plus activement la révolution de 1848; de ceux qui, le 21 février, assignèrent un programme à l'insurrection, qui réglèrent les positions stratégiques de la garde nationale, et qui des bureaux du National avaient fait le foyer d'où le mot d'ordre de la révolution rayonnait sur tout Paris.

Le soir du 24 février, lorsque le gouvernement provisoire se réunit pour la première fois à l'Hôtel de Ville, et composa le premier ministère de la République, M. Goudchaux reçu le portefeuille des finances. La nomination de M. Goudchaux produisit une impression rassurante pour les capitaux alarmés; on avait la plus haute idée de son honorabilité. Il voulut justifier cette confiance. Au lieu de la banqueroute qu'on redoutait, il fit décréter que le Trésor anticiperait le payement du semestre de la rente 5 0/0. Goudchaux se retira du ministère le 5 mars 1848. Il n'avait été ministre que neuf jours. Il eut pour successeur Garnier-Pagès. Au mois d'avril suivant, il fut au nombre des candidats proposés aux électeurs de Paris pour les élections générales de la Constituante; il n'obtint un nombre suffisant de voix, mais, aux élections complémentaires du mois de juin, il fut élu par 188.000 suffrages environs.

Devenu chef du pouvoir exécutif après les journées de juin 1848, le général Cavaignac s'empressa de rappeler Goudchaux au ministère des finances, que laissait vacant la démission de M. Duclerc. Goudchaux se montra l'ennemi des expédiants financiers, et revint à l'idée de rétablir la confiance en affirmant la solvabilité de l'État. Il fit décréter que tous les bons du Trésor restés en souffrance serait payés en rentes sur l'État; que les dépôts des caisses d'épargne seraient remboursés avec des titres de même nature. Mais l'un des actes les plus importants de son administration fut une mesure hardie, populaire et en définitive excellente, même au point de vue financier: la réforme postale. Dans la séance du 24 août 1848, il fit voter par la Constituante une loi qui supprimait les zones servant de base aux différentes taxes, et établissait le tarif uniforme et réduit. La poste qui, avant la réforme, produisait 46,000,000. (1848) rapportait vingt ans après, en 1868, environ 86,000,000. Au mois d'octobre suivant Goudchaux se retira du ministère, où il eut pour successeur M. Trouvé-Chauvel. Tout en se séparant du général Cavaignac, Goudchaux, continua à le soutenir à la Chambre, et il fit partie de la majorité qui lui resta fidèle jusqu'à l'élection présidentielle du 10 décembre 1848. Goudchaux vota toujours depuis dans le sens républicain; mais, étranger aux luttes violantes qui régnaient sans cesse dans l'orageuse assemblée pendant les derniers mois de son existence, il ne prenait la parole que dans les questions économiques et financières. C'est dans un de ces débats, le 21 avril 1849, que se produisit, entre Goudchaux et Fould, la discussion qui causa une si vive impression, non seulement à la Chambre, mais dans tout le pays. Cette scène parlementaire mérite d'être rappelée: Fould y fut convaincu d'avoir conseillé la banqueroute, et Goudchaux donna des preuves de l'énergie qu'il avait mise à repousser ce conseil. La discussion dégénéra en une véritable tempête. Fould, on le sait, devint plus tard le ministre des finances de Bonaparte.

Cette bruyante journée marque la fin de la carrière politique de Goudchaux. Quelques jours après, la Constituante se dissolvait pour faire place à la Législative. M. Goudchaux ne fut pas réélu. Il resta éloigné des affaires publiques jusqu'aux élections générales de 1857. Porté alors sur la liste des candidats de l'opposition à Paris, il fut élu, mais il refusa le serment et ne siégea pas au Corps Législatif.

 

Mais, en dehors de tous les Dictionnaires des contemporains, il n'y a qu'à suivre le Moniteur Officiel de 1848; le rôle honnête de Goudchaux y apparaît à chaque acte, à chaque débat parlementaire, pendant tout le cours de ses deux ministères.

Il faut bien se garder de traiter les calomnies par le mépris; et les méprisant, en n'y répondant pas, on les laisse se répandre, se reproduire, se vulgariser, et, cinquante ans après, un homme de bien passe aux yeux des générations suivantes pour avoir été un homme taré. Pourquoi donc ne pas réagir? Si les honnêtes gens ne se décourageaient pas, s'ils s'unissaient pour parer les coups des gredins, ceux-ci ne triompheraient pas aussi bruyamment, ni aussi longuement.

M. Emmanuel Arago, le sénateur qui, le 24 février dernier, présidait le banquet contre le Sénat, connu Michel Goudchaux dans les conseils du gouvernement de 1848. M. le ministre de la guerre Cavaignac sait que sa mère resta toujours en relations intimes avec la veuve du ministre des finances de son père. Si M. Cavaignac et M. Arago, indignés justement, avaient protesté contre les accusations de M. Drumont, celles-ci fussent tombées d'elles-mêmes, le premier jour. Mais aucun d'eux n'a dit un mot. Chacun songe aux scrutins de la séance du lendemain, aux combinaisons de couloirs; défendre les amis morts, ce serait du temps perdu!...

Or, Mme veuve Goudchaux vit dans un modeste appartement, et son fils travaille à Lyon. - Michel Goudchaux, banquier considérable et non pas obscur changeur, est sorti appauvri de ses deux ministères...

Est-ce que ces faits là sont d'accord avec l'accusation de complicité d'un ministre - et d'un ministre des finances surtout! - avec le baron James de Rotschild?... Non évidemment; et pourtant cela n'empêchera pas M. Drumont de continuer à le dire et à appeler en même temps James de Rotschild un Banqueroutier!...

Nous ne nions pas qu'en 1848 il y eut une entrevue célèbre entre Michel Goudchaux et le baron James; nous en connaissons tous les détails et nous affirmons que les héritiers de l'ancien ministre ont lieu d'être fiers de ce qui se passa dans cette entrevue. Nous espérons que les renseignements certains que l'on nous a communiqués confidentiellement, on nous permettra de les publier un jour.

Nous espérons aussi que M. Odelin, qui nous fit l'honneur de nous rendre visite pour nous donner des détails si édifiants sur les dessous de la Libre Parole et sur la lourde chaîne qui lie M. Drumont à de grands financiers cosmopolites, nous communiquera, cette année même, les documents qu'il nous promît alors... Et, jusque-là, malgré son article du 1er avril, intitulé: Solution, nous nous refuserons à croire que M. Drumont a conscience du mal qu'il fait à la France à l'extérieur.

Et des gens, de braves gens même, croient à toutes les balivernes de la Libre Parole!... Elle, il est vrai, n'y croit pas. Tenez, prenons, par exemple, ce que M. Drumont appelle le Meurtre Rituel:

Qui, même parmi les plus ignorants des paysans des campagnes les plus reculées, n'aurait éclaté de rire, il y a dix ans, en attendent raconter que les Juifs ont besoin d'égorger des enfants et d'avoir leur sang pour des cérémonies religieuses, pour de mystérieux sacrifices?... C'est plus grotesque que de venir rappeler le culte du Vaudou en Haïti, les égorgements humains de la première Gaule, la mort de la fille de Jephté et le meurtre d'Iphigénie; Tout le monde en conviendra, mais, tout de même, il se trouvera - dans quelques années - en dehors de ceux qui sont intéressés à propager ces bêtises, en dehors des pourvoyeurs et des délateurs de profession, quelques bons naïfs qui se diront: "Tiens! même à la fin du XIXème siècle, les Juifs égorgeaient donc les petits chrétiens?"

Et alors, plus tard, quand on ne saura plus ce qu'était exactement M. Drumont, ancien juif, catholique d'un genre à part, homme d'argent impitoyable (comme il le fut vis-à-vis de son ami Odelin), - personne ne sera plus là pour dire et prouver que ces délateurs de profession, ces pourvoyeurs du Parquet ont filé à l'étranger au premier changement sérieux de ministère et ont tremblé dans leur peau et baissé de ton pendant toute la durée de chaque instruction contre des anarchistes ou des maîtres-chanteurs!...

Profitant de l'exhibition d'un tableau sans valeur, M. Drumont à cours de copie parce qu'il était prudent de ne plus insulter la magistrature jusqu'à l'issue d'un procès qui n'était pas sans l'intéresser, nous a servi à nouveau, le 25 mars, son fameux Meurtre Rituel, dont il avait joué deux fois, à faux et sans succès, dans ces dernières années...

Nous avouons que nous nous sommes laissé emballé et que nous lui avons aussitôt envoyé cette lettre:

Vous ne reviendrez donc jamais à la bonne foi, Monsieur Drumont? Vous qui croyez moins que toute autre personne, en votre qualité de descendant de Juif, au meurtre rituel, vous en jouez encore? Vous faites comme les mandarins chinois qui font massacrer les prêtres catholiques en les accusant de se servir du sang humain pour faire la sainte Hostie? Vous excitez vous lecteurs à l'assassinat de M. Zadoc Kahn, par exemple, comme sous la Commune l'on excitait jadis à celui de l'archevêque de Paris! Ce n'est même plus spirituel, comme vous l'êtes souvent.

Aller emprunter de l'argent avec Morès, à Cornélius Hertz, avoir des bailleurs de fond juifs pour soutenir la Libre Parole, voilà de la bonne guerre contre les Juifs; vous les frappez spirituellement en frappant à leur caisse.

En insultant le président Baudoin, le 16 janvier 1895, pour le louanger le lendemain quand il vous eut donné gain de cause dans votre affaire d'argent contre votre ami "Odelin la crapule", vous étiez encore amusant.

Pourquoi ne pas rester dans la note spirituelle et dans la note amusante? Il me semble que vous baissez un peu depuis quelques temps: pendant tout le temps que votre entourage sacré a eu peur de paraître en police correctionnelle, ou y a comparu, vous n'avez plus outragé un seul magistrat! On l'a remarqué, croyez le bien... Pourquoi vouloir vous rattraper de cette défaillance, un peu intéressée, en la faisant au fanatisme chinois et en prêchant les massacres? La note devient lourdement prudhommesque.

Restez donc le lettré, et ne devenez pas le mandarin... C'est avec sincérité que je voudrais ne pas vouloir tomber en plein dans le ridicule.

 

Peine perdue, évidemment, que cette lettre! - M. Drumont savait et sait aussi bien que nous tous qu'il venait de mentir. Il à dû rire de ma naïveté, comme le père Loriquet et M. Victorien Sardou ont dû, eux aussi, rire des applaudissements qu'ont, à soixante ans de distance, récoltés leurs étranges Histoires de la Révolution française.

Notre consolation est que tous ces farceurs ne rient pas toujours; par exemple quant on leur met le nez dans leurs palinodies. Prenons l'affaire Odelin-Drumont, si vous voulez:

Le 16 janvier 1895, M. Drumont, en fuite depuis l'avènement de M. Casimir-Périer et ayant une affaire d'argent à régler avec son ami Odelin (qu'il appellera alors Odelin-le-Crapule), écrivait sur le Président du Tribunal civil de la Seine, M. Baudoin, cette jolie appréciation:

....."Mon traité me donne la propriété du titre, mais il est certain que, moyennant un pourboire de Rotschild, le président du Tribunal civil, qui vient déjà de commettre une si belle canaillerie, n'hésitera pas à en commettre une seconde en me dépouillant de tous mes droits qui me sont garantis par un traité formel....."

M. le président Baudoin ayant donné tort à M. Odelin, M. Drumont écrivait, le 23 janvier, HUIT JOURS APRES:

..."Le président du Tribunal qui, paraît-il, est un brave homme, a reconnu qu'on s'était joué audacieusement de sa bonne foi....."

C'est beau la conviction! C'est beau la loyauté!... Et M. le président Baudoin peut, en vérité, être fier de ce certificat, aussi sincère que désintéressé!...

Il en est de même, chez M. Drumont (en fait de conviction et de sincérité) pour tout ce qu'il avance, pour tout ce qu'il soutient. Il met au pinacle M. Déroulède, qu'il a insulté; il porte aux nues Mme Adam, qu'il a outragée... Si M. Drumont se rend au quatorzième centenaire du roi Clovis, il en sera certainement le plus bel ornement, car nul mieux que lui n'a pratiquer sans cesse la fameuse déclaration: "Brûle ce que tu as adoré; adore ce que tu as brûlé..."

Si encore, de loin en loin, une fois par hasard, un peu de loyauté apparaissait dans toute cette œuvre de haine, on pourrait croire aux convictions de M. Drumont. Ainsi, nous avons déjà publié, et adressé à l'auteur de la France Juive, l'histoire d'un greffier juif sous la Commune, avec les preuves à l'appui... En a-t-il profité pour dire qu'il y a au moins un juif méritant entre tant de juifs abominables? Point du Tout; cela le gênerait dans sa thèse. Qu'importe ce courageux obscur? Jamais on ne fera avouer au calomniateur qu'il y a un juif à féliciter, à donner en exemple, à aider...

Que l'on juge, cependant, l'homme que nous recommandions; cela en vaut la peine. M. Drumont, dans tous les cas, ne révoquera pas en doute le récit de Maxime Ducamp?

JOSEPH ARON

 

UN GREFFIER JUIF SOUS LA COMMUNE

_____

Les convulsions de Paris, par Maxime Ducamp, de l'Académie française. Hachette (1881), page 66 et suivantes.

Si les otages n'ont pas été massacrés aux dernières heures de la Commune, ils le doivent aux greffiers, brigadiers, sous-brigadiers et surveillants appartenant à l'administration normale, qui n'ont point abandonné leur poste, ont tenu tête aux fédérés, et, au moment suprême, se sont associés à la résistance des prisonniers. Ceci ressort de tous les documents qui ont passé sous nos yeux, et nous ont permis d'entreprendre cette étude de pathologie sociale; mais si les surveillants soupçonnés, injuriés, menacés par les gens de la Commune n'ont point abandonné les maisons pénitentiaires dont ils avaient la garde, c'est a M. Bonjean qu'on le doit.

Il avait précédé les otages ecclésiastiques, car le premier de ceux-ci fut l'abbé Blondeau, curé de Plaisance, arrêté le 31 mars. Seul dans sa cellule, assis sur l'escabeau de bois ou étendu sur le grabat, M. Bonjean avait réfléchi: il ne se faisait aucune illusion sur les hommes d'aventures qui s'étaient emparés de Paris; il s'attendait à un nouveau 2 septembre, il croyait à un nouveau massacre dans les prisons et était persuadé que la Commune incarcérerait tout ce qu'elle parviendrait à découvrir de gens considérables par leur position, leur fortune, ou leur nom. Il résolut donc, pour assurer quelque protection aux détenus qui ne manqueraient pas d'être jetés derrière les portes des geôles, d'user de son influence pour engager le personnel des surveillants à rester au devoir. La situation de ces braves gens était critique et très embarrassante; ils n'ignoraient pas qu'ordre avait été donné à tout employé du gouvernement de se replier à Versailles; rester, c'était en quelque sorte s'associer à des faits de révolte; s'en aller, c'était livrer les détenus aux fantaisies de la Commune. Cette question, d'où leur avenir pouvait dépendre, les troublait beaucoup, ce fut M. Bonjean qui dénoua la difficulté.

Le 29 mars il avait reçu pendant une absence de Garreau (directeur), la visite du second greffier de la maison de justice, il l'avait adjuré de ne point quitter la conciergerie et de veiller sur les gendarmes qui y étaient enfermés. Cette recommandation ne fut point oubliée, nous le verrons plus tard.

Il connaissait trop l'administration pour ne pas savoir qu'elle obéit à une hiérarchie indispensable et que les surveillants resteraient indécis tant qu'ils pourraient ne pas se croire approuvés par leur chef direct; or ce chef direct était à Versailles, et les routes n'étaient point positivement libres. M. Bonjean, se fiant sans réserve au dévouement que les employés de la prison lui témoigneraient, soumit à M. Paul Fabre, procureur général à la Cour de cassation une lettre datée du 30 mars 1871, sept heure du matin, dont le texte même est sous nos yeux et qui eut d'inappréciables résultats.

Mon cher Procureur Général. Des notes insérées dans plusieurs journaux invitent les employés des diverses administrations de Paris à cesser tout service dans cette ville pour se rendre à Versailles. Je ne sais si ces notes ont un caractère officiel, mais ce qui est évident pour moi, c'est que la mesure dont elles parlent, étendue aux employés des prisons pourrait devenir fatale à une foule d'honnêtes gens actuellement détenus à Paris sous divers prétextes. Cependant, à la lecture de ces notes, beaucoup d'employés hésitent; quelques uns même craignent d'encourir la disgrâce du gouvernement ont déjà abandonné leur service, au grand chagrin des pauvres prisonniers. Autant que j'ai pu du fond de ma cellule, j'ai combattu une tendance si funeste, non certes dans l'intérêt de ma sécurité personnelle dont je ferais bon marché, mais pour celle d'environ deux cents gendarmes, sergents de ville, commissaires de police et autres fonctionnaires en ce moment détenus au Dépôt seulement dont la sûreté pourrait être compromise par la désertion en masse de l'ancien personnel, composé, vous le savez, d'hommes choisis parmi les meilleurs sujets de l'armée et qui comprennent mieux que ne le feraient peut-être ceux qui les remplaceraient qu'à côté du devoir d'empêcher les prisonniers de sortir, il y a pour eux le devoir plus sacré encore de les protéger contre toute violence illégale. Il me semble impossible que personne à Versailles ait pu avoir la pensée d'exposer les détenus à un aléa si terrible. Veuillez je vous prie, mon cher Procureur général, donner connaissance à qui de droit, Notamment à MM. Dufaure, Picard et Leblond, de cette note écrite à la hâte après avoir toutefois entendu les observations que vous soumettra le porteur qui connaît beaucoup mieux que moi tout ce qui intéresse le service des prisons.

Votre ami et collègue,

BONJEAN.

Le porteur était M. Kahn, commis-greffier au Dépôt qui prit cette note sans enveloppe, la dissimula dans la coiffe de son chapeau et partit pour Versailles où il arriva la veille du jour où l'on devait faire les obsèques de M. Fabre.

M Kahn s'adressa alors à son chef hiérarchique, M. Lecour, chef de la première division de la préfecture de police qui fit immédiatement expédier aux employés de toutes les prisons de la Seine l'ordre de tenir bon à leur poste et de veiller à la sécurité des personnes incarcérées sur mandats illégaux. Ce fut cette mesure sollicitée par M. Bonjean, adoptée par M. Lecour, qui assura plus tard le salut d'un grand nombre d'otages, parmi lesquels malheureusement ne se trouvait plus l'homme éminent qui l'avait provoqué.

Deux fois il essaya de sauver M. Bonjean. Deux fédérés avaient été arrêtés; ils adressèrent à Raoul Rigault une lettre pour obtenir leur mise en liberté. Le recto et le verso de la première page seuls étaient occupés par la supplique: sur le recto de la page blanche, Rigault écrivit: "Ordre de mettre en liberté les deux citoyens désignés ci-contre," et envoya ce levé d'écrou au dépôt par un planton. L'on vit immédiatement le parti que l'on pouvait tirer de ce mandat mal libellé, où le noms n'étaient pas indiqués, et qui, du fait, constituait un blanc-seing; il suffisait de faire disparaître le corps même de la lettre et d'écrire deux noms au-dessus de la phrase de Rigault pour justifier une levée d'écrou. On alla trouver M. Bonjean et on lui expliqua qu'il était facile de le faire mettre en liberté. Le prisonnier répondit: "Je ne veux compromettre personne, mon évasion serait le signal du renvoi de tous les employés du dépôt et de leur remplacement par des gens dangereux........

La Commune appliquait la loi des suspects. Qui jamais pourra savoir pourquoi L. Glais Bijoin, M. Schoelcher ont traversé les cellules du Dépôt? Les ordres d'arrestation tombent au hasard comme la foudre du ciel.

Le 7 avril, M. Kahn, greffier, est de service; de sa longue écriture renversée il vient d'écrouer, sous les N°1801, un certain Victor arrêté sans motif par ordre du citoyen Chapitel chef de bureau à la permanence. Subitement l'écriture change et le N°1802 est l'écrou de M. Kahn lui-même que l'on enferme dans la cellule N°11, sur mandat de Th. Ferré. "Menace contre les membres de la Commune et intelligences avec Versailles." Il reste détenu jusqu'au 16 mai.

____________

 

 

Deux mois de prison sous la Commune, par l'abbé Paul Perny, Lainé éditeur, 19, rue des Saints-Pères (1871), 2me édition; - (page 15).

.....On nous entraîna à un autre bureau. Nouvelle inscription de nos noms, on nous fouilla. Aucun instrument tranchant ne peut être conservé, même un canif. Si vous êtes muni d'une canne, on vous la fait déposer au bureau. Après cette visite, on nous fit passer encore dans un nouveau bureau.

Le chef de ce bureau, M. Kahn, échangea avec nous quelques paroles bienveillantes. Ses sentiments nous parurent très convenables et plus élevés que ceux de tous ses collègues dans la bureaucratie.

La police secrète de la Commune de Paris ne tarda sans doute pas à être informée des sentiments de cet employé. Peu de jours après, ce bon jeune homme était, lui aussi écroué dans ce même palais, à dix pas de nous.

Je serai heureux que ces lignes puissent tomber un jour sous ses yeux, et, en lui portant l'expression de notre affectueuse reconnaissance pour l'intérêt qu'il nous a témoigné, le consoler un peu des avanies qu'il a dû souffrir!

En quittant la préfecture de police, après dix jours de détention, je l'aperçu à ma grande surprise dans une cellule. Il me fit un signe, je m'approchais aussitôt et je pus, à travers le guichet de la porte, échanger à la hâte quelques paroles avec lui. La vue de ce jeune homme sous les verrous fut un nouveau trait de lumière sur la situation. Depuis six jours, nous n'avions aucune nouvelle de la ville. L'horizon politique nous parut de plus en plus sombre et probablement l'espionnage à l'ordre du jour. La Commune actuelle n'a pas l'esprit inventif, elle s'efforce d'imiter en petit l'ancienne Commune de Paris.

____________

 

Le Délire des Persécutions (page 507) du docteur Legrand du Saulle, Plon éditeur.

"Le 31, l'état du malade ne s'étant point amélioré, j'envoyait le certificat qu'on va lire:

"Le président Bonjean ne va pas bien. Il a de la bronchite, de l'oppression, de l'inappétence et un grand malaise général. Son pouls est à 96. Ce vieillard a le moral excellent mais, physiquement, il résiste mal à un séjour aussi prolongé dans une cellule sans feu. Dans ma conscience de médecin, j'affirme que je ne suis pas sans quelque inquiétude, et j'atteste qu'il y a lieu de transférer d'urgence le malade à la maison municipale de santé (hospice Dubois)."

"M. Kahn, commis-greffier au Dépôt, reçut quelques heures après, du cabinet du préfet, le certificat annoté ainsi qu'il suit à l'encre rouge: "FAIRE CONDUIRE IMMÉDIATEMENT A DUBOIS. Signé:Dubois". C'était écrit à la main du général Duval, et le sceau du préfet avait été apposé sur la pièce. Mais en vertu de quelle variété de distraction cérébrale le général Duval avait-il signé DUBOIS? Cette distraction étrange devait coûter la vie au président. Le martyre était dans sa destinée!

"Le 1er avril, M. Kahn, le certificat en main, se présente chez le Préfet, afin d'obtenir la rectification de la signature. Le général Duval venait de partir pour les avant-postes. M. Raoul Rigault reçois M. Kahn, prend la pièce, l'examine attentivement et dit: "Bonjean sortira quand Blanqui aura signé sur cette "table l'ordre de sa mise en liberté." Le commis-greffier, jeune homme très brave, insiste et s'appuie sur les termes du certificat, mais d'un geste impératif il est éconduit. Quelques jours après, M. Kahn était arrêté et jeté en prison."

____________

 

Histoire de la Commune, par l'abbé Vidieu, librairie Dentu; - (page 202). Arrestation de Monseigneur Darboy, archevêque de Paris.

.....Et vous, qui êtes-vous? demanda ensuite le farouche Procureur à l'abbé Lagarde?

- J'ai l'honneur d'être le vicaire général de Monseigneur et j'ai aussi l'honneur de l'accompagner.

- Allons, ne prenez pas vos aires vous aussi!

Monseigneur présentant les intentions de Raoul Rigault intervint en ce moment:

- Je vous prie en grâce de lui rendre la liberté, il n'a pas été arrêté.

- Il est pris et il reste pris.

Et se tournant vers M. Lagarde:

- Votre nom?

Après quoi il donna l'ordre de les emmener tous les deux au Dépôt, et séparés. Mais le capitaine auquel il s'adressait portant la main à sa moustache blanche lui dit courageusement:

- Citoyen, je suis militaire et je ne me charge pas de pareilles missions.

- Lieutenant, debout! s'écria Raoul Rigault qui ne put dissimuler son mécontentement.

Et l'on vit un homme plongé dans l'ivresse se lever avec peine et dire encore plus difficilement: "A... a... avec plaisir, mon commandant".

Son état était tel, qu'il ne pouvait diriger les prisonniers.

Le greffier Kahn survint heureusement presque aussitôt et congédia bien vite le lieutenant aviné et permit aux deux captifs de rester ensemble jusqu'à 6 heures 1/2. Les marques d'humanité que M. Kahn se plut à donner aux premiers et aux plus éminents otages de la Commune, l'archevêque de Paris, M. l'abbé Lagarde, le curé de la Madeleine, M. le Président Bonjean, amenèrent bientôt son arrestation. Ce fut uniquement pour ce motif qu'il passa de son bureau dans une cellule, où il resta quarante jours.

____________

 

L'abbé Crozes, aumônier de la Roquette, son arrestation, sa captivité, sa délivrance. D. Soye, éditeur, 5, place du Panthéon (1877); - (page 26).

.....Mais ceci se passait le 24 mai à la Roquette et nous ne sommes encore qu'au 4 avril et à peine entrés au Dépôt. Mgr Darboy est déjà écroué; je le suis à mon tour. Il est conduit dans sa cellule et moi dans la mienne. Les employés - je tiens à le dire - étaient pour nous plein d'égards et de modération.

S'ils servaient sous la Commune, il était facile de voir qu'ils ne servaient pas la Commune, et ces hommes pleins de tact et de convenance comprenaient très bien qu'ils ne devaient pas agir avec les otages comme avec les pensionnaires habituels de cette maison, et que leur meilleur règlement de prison à notre égard, c'était de n'avoir pas de règlement. Aussi ces bons gardiens, je n'ai passé que deux jours avec eux, mais bien des jours se passeront avant que je ne les oublie. L'un d'eux, M. Kahn, greffier, pour avoir été trop compatissant envers nous alla passer quarante jours en cellule.

____________

 

PRÉFECTURE DE POLICE
___
MAISON DE DÉPÔT DE LA PRÉFECTURE
1re Division
Division
CERTIFICAT DU MÉDECIN
___

Paris, le 15 février 1880.

 

Je soussigné, médecin du Dépôt près la Préfecture, certifie que M. Kahn (Arthur), greffier au Dépôt de la Préfecture, s'est admirablement bien conduit, en 1871, pendant la Commune. Il m'a spontanément aidé dans les soins à donner aux otages et à tous les détenus jusqu'à ce qu'il ait été lui-même emprisonné: il a été très courageux, à l'occasion de M. le président Bonjean, dont j'avais demandé, pour cause de santé, le transfèrement à la maison municipale de santé; il a sauvé des valeurs importantes très considérables, appartenant à des personnes arrêtées, et il a fait preuve de bravoure, de probité et de dévouement à une époque où la peur mettait tout le monde en fuite et neutralisait toutes les initiatives généreuses.

Signé: LEGRAND DU SAULE.

 

Vu pour certification matérielle de la signature de M. le docteur Legrand du Saulle.

Paris le 17 mars 1880.

Le Commissaire de police

Signé: Dambreville.

Ici le timbre du commissaire.

____________

 

 

SIMPLES SOUVENIRS

_______

 

Le 16 janvier 1895, M. Édouard Drumont, qui s'était volontairement exilé de France sous la Présidence de M. Casimir-Périer, comme les anciens Romains s'ouvraient les veines dans leur bain plutôt que de vivre sous tel ou tel Empereur, apprit à son petit lever la démission du Tyran.....

 

 

Mais sa joie ne fut pas de longue durée; un autre coup d'État le frappa le même jour: son agent, son ami intime, son confident, l'ancien conseillé municipal Odelin, venait de mettre le nez dans l'administration de la Libre Parole, et M. Drumont se fâcha tout rouge.....

___________________________

 

 

Le 5 février suivant, l'amnistie étant votée en faveur des prisonniers politiques, et Henri Rochefort étant rentré à Paris au milieu des acclamations de cent mille personnes, M. Édouard Drumont, qui s'était lui-même déclaré condamné politique et proscrit, jugea le moment venu de s'amnistier et de rentrer aussi par la gare du Nord, où il avait convoqué ses abonnés et ses camelots.