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Joseph Aron et l'antisémitisme

 

 

L'un des "chevaux de batailles" de Joseph Aron, est sa lutte contre l'antisémitisme, en s'attaquant en particulier à son chef de fil: Édouard Drumont. Ce qui à mon sens est le plus intéressant dans cette démarche, c'est que sensibilisé au problème en tant que juif, il n'aborde pas ce sujet comme une simple réaction de défense communautaire.

Il est citoyen (américain et français de coeur) avant d'être juif. Et c'est avant tout avec une notion un peu idéaliste de la société et de la justice, qu'il s'est lancé dans ce combat, comme il l'a fait également pour défendre l'honneur de la France aux États-Unis, attaquer la politique coloniale anglaise, ou encore soutenir l'action en justice de F. J. Symmes contre la Union Trust Co. et Adolph Sutro.

Bien qu'il se soit attaqué de front a l'antisémitisme de cette fin du XIXe siècle, il va peu à peu se couper de la bourgeoisie juive parisienne, lui attribuant, à cause de son manque de réaction, une part de responsabilité dans le succès de ces haines malsaines.

Portrait de Joseph Aron par Mlle Anna Rudié, artiste juive de 17 ans. Publié dans "Questions Juives de 1896".

 

Pour couronner le tout il épousera une bretonne catholique en seconde noce et élèvera les quatre enfants issus de cette union dans la foi catholique. Et ironie du sort, ou réaction au rejet de la part d'une grande partie de la communauté juive et en partie de sa propre famille, l'un de ses fils sera lui-même antisémite et membre de l'Action Française!

Édouard Drumont porté par la foule dans les rues d'Alger.

 

C'est à ma connaissance en 1896 que paraissent ses premières brochures contre Drumont et l'antisémitisme. Plus d'un an auparavant avait eu lieu la condamnation du Capitaine Dreyfus, et la France divisée offrait un terrain fertile aux idées propagées par le futur député d'Alger et ses amis. Ce contexte passionné a bien entendu motivé cette entrée en résistance de Joseph Aron, mais il n'avait pas attendu ces événements pour réagir à chaque fois qu'il se trouvait confronté à des attitudes antisémites.

En 1893, dans une lettre adressée à R. E. Houghton, l'avocat chargé de défendre ses intérêts et ceux de Franck J. Symmes contre la Union Trust Company et Sutro, il écrit:

"Laissez moi vous demander de quel droit vous avez, dans une affaire que vous dites mienne, utilisé, dans votre premier rapport, pour faire référence à M. Sutro, le mot de "JUIF", qui a appelé la réponse très juste et pertinente de M. Tauszky: "Et M. Aron?". Mon nom indique suffisamment que j'ai l'honneur d'être un juif. Il y a d'honnêtes juifs, et il y en a de malhonnêtes, comme il y a des turcs honnêtes et malhonnêtes, et comme il y a également d'honnêtes et de malhonnêtes chrétiens..."